Programme :
Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827)
Quatuors n°16 op 135
Dimitri CHOSTAKOVITCH (1906-1975)
Quatuor n°8 op 110
Programme :
Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827)
Quatuors n°16 op 135
Dimitri CHOSTAKOVITCH (1906-1975)
Quatuor n°8 op 110
Ludwig van BEETHOVEN
Quatuor n°16 op. 135 en fa majeur
Allegretto-Vivace-Lento assai, cantate e tranquillo-Grave, Allegro
Dernier des quatuors à cordes de Beethoven, le Seizième Quatuor fut esquissé à la fin de juin 1826 et terminé en octobre suivant. Il fut dédié à Johann Wolfmayer, à qui le Quatorzième Quatuor devait être primitivement dédicacé. L’œuvre ne comporta d’abord que trois mouvements, – les deux premiers et le dernier ; c’est peut-être à la demande de Schlesinger que le mouvement lent fut écrit ensuite. Une anecdote s’attache au finale, qui a pour titre badin Der schwer gefasste Entschluss (« La décision difficilement prise ») qui fit couler beaucoup d’encre, et qui peut se résumer à une anecdote plutôt triviale. En exergue de la partition , quelques mots : Muss es sein ? Es muss sein ! (« Le faut-il ? Il le faut ! »). Interrogation du Destin ? Pas vraiment. Un bourgeois viennois, ne s’était pas dérangé pour la 1ère exécution du 13ème Quatuor, mais s’était vanté d’en obtenir le manuscrit chez lui, quand il le voudrait et sans bourse délier. Beethoven, furieux, répondit dans un billet qu’il ne prêterait le manuscrit qu’ayant perçu 50 florins. Le bourgeois reçut le billet et, interloqué, demanda : « Le faut-il vraiment ? ». Et Beethoven de s’écrier : « II le faut!… Sors ta bourse ! Il le faut ! ». Beethoven écrivit un petit canon sur ces mots qu’il reprit comme thème principal dans le dernier mouvement de son quatuor. Quoi qu’il en soit, ce dernier quatuor se révèle le plus lapidaire, parfois énigmatique, voire déroutant.
Il est en quatre mouvements. À l’Allegretto initial plein de charme, succède un Vivace qui tient lieu de grand scherzo, d’une vigueur et d’une diversité rythmique peu ordinaires. Le troisième mouvement Lento Assai dernier mouvement écrit par Beethoven) est un doux chant de repos ou chant de paix, d’un sentiment recueilli, d’une sérénité inclinant vers une douce mélancolie. Le quatuor se termine par un mouvement Grave ma non troppo — allegro c’est « la décision difficilement prise ». Le Grave introductif propose la question aux basses, par deux fois qui ne connaît pas de réponse. Et la voici soudainement, en un Allegro cette réponse est vigoureusement répétée.
Dimitri CHOSTAKOVITCH
Quatuor n°8 op. 110 en ut mineur
I. Largo, II. Allegro molto, III. Allegretto, IV. Largo, V. Largo
Dimitri Chostakovitch a dédié son huitième quatuor à cordes opus 110 « à la mémoire des victimes du fascisme et de la guerre ». Cette dédicace officielle, qui ne figure pas dans le manuscrit et a été ajoutée ultérieurement, a souvent été associée aux impressions de Chostakovitch en 1960 sur la ville détruite de Dresde. Nous savons aujourd’hui que cette œuvre – malgré toute la sympathie de Chostakovitch pour Dresde et son histoire tragique – a été composé pour des raisons beaucoup plus personnelles.
Peu avant de partir à Dresde, Chostakovitch avait rejoint le PCUS sous la pression, car il était prévu de le nommer président de l’Union des compositeurs de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR). Il a lui-même perçu cela comme une grave défaite morale, qui a entraîné une dépression nerveuse et des pensées suicidaires. Dans ce contexte, au lieu de composer la musique pour le film « Cinq jours – Cinq nuits », il a composé à Gohrisch une œuvre extrêmement tragique et personnelle, qu’il a conçue – comme le montre une lettre à Isaak Glikman datée du 19 juillet 1960, publiée seulement de nombreuses années après sa mort – comme un « requiem » pour lui-même: « … Aussi dur que j’ai essayé d’avancer sur les musiques de films que je suis censé faire, je n’ai réussi à aller nulle part; au lieu de cela, j’ai écrit ce quatuor idéologiquement imparfait qui n’est d’aucune utilité pour personne. J’ai commencé à penser que si un jour je meurs, personne n’écrira probablement une œuvre en mémoire de moi, alors je ferais mieux d’en écrire une moi-même. La page de titre pourrait porter la dédicace: «À la mémoire du compositeur de ce quatuor». Chostakovitch a souligné le caractère autobiographique – comme dans d’autres œuvres – en utilisant la séquence de tons d-s-c-h (l’équivalent musical de ses initiales D. Sch.), qui ouvre l’œuvre de manière significative. En outre, tous les mouvements contiennent des citations de ses propres compositions ainsi que de celles d’autres compositeurs. La structure cyclique de cette œuvre de 20 minutes est caractéristique, ses cinq mouvements se fondent les uns dans les autres: Ils partent d’un Largo initial et passent par deux mouvements rapides – un Allegro molto agressif et un scherzo Allegretto énigmatique – avec deux mouvements Largo pour revenir à la sombre ambiance de départ.
Dans sa lettre à Glikman, citée plus haut, Chostakovitch poursuit sur son ton ironique typique: « Le thème de base du quatuor est les quatre notes ré naturel, mi bémol, ut naturel, si naturel – c’est-à-dire mes initiales, D. SCH. Le quatuor utilise également des thèmes de certaines de mes propres compositions et de la chanson révolutionnaire «Zamuchen tyazholoy neveolyey» [«Tourmenté par des Chaînes Cruelles»]. Les thèmes de mes propres œuvres sont les suivants: la Première Symphonie, la Huitième Symphonie, le Deuxième trio avec piano, le Concerto pour Violoncelle et Lady Macbeth du district de Mzensk. Il y a des allusions à Wagner (la marche funèbre de Götterdämmerung) et Tchaikovsky (le deuxième thème du premier mouvement de la Sixième symphonie). Oh oui, j’ai oublié de mentionner qu’il y a aussi quelque chose à moi, de la dixième symphonie. Un joli petit méli-mélo, vraiment. Le pseudo tragique de ce quatuor est tel qu‘ en le composant j’ai versé autant de larmes qu’on perd d’urine après une demi-douzaine de bières. Rentré chez moi, j’ai essayé de le jouer une ou deux fois, et j’ai à nouveau pleuré. Mais cette fois-ci, moins à cause de son pseudo tragique, que par étonnement devant la magnifique intégrité de sa forme. »
La première exécution du huitième quatuor à cordes eut lieu à Léningrad le 2 octobre 1960, interprétée par le fidèle Quatuor Beethoven . C’est aujourd’hui le quatuor le plus fréquemment joué du compositeur et il est considéré comme son oeuvre la plus personnelle.