Johann Sebastian Bach (1685 – 1750)
L’Église luthérienne nourrit une dévotion toute particulière pour le dogme la Trinité, en la liant tout particulièrement au thème de la Création. Pour en montrer l’importance, elle ne compte pas « les dimanches après Pentecôte », mais « les dimanches après la Trinité ». Le Conseil de l’ Église St Thomas intronise d’ailleurs Bach au nom de la Trinité.
Avec sa nomination comme cantor de l’église Saint-Thomas de Leipzig en 1723, les obligations de Jean Sebasten Bach étaient immenses : exécuter les dimanches une musique d’Église, en sus d’une Passion en musique pendant la Semaine sainte, organiser les répétitions – même l’enseignement de latin lui fut confié. Il y avait deux moments dans l’année où la musique se taisait à Leipzig : du deuxième au quatrième dimanche de l’Avent et du début de carême au dimanche des Rameaux. Mais cette décharge ne servait au compositeur qu’à mieux se préparer pour la période de fête qui suivait.
Comme ailleurs en Allemagne, la cantate avait sa place à Leipzig après la lecture de l’Évangile et avant le Credo qui, normalement, était chanté sous forme de choral par l’assemblée des fidèles.
Les fidèles qui assistaient au culte et écoutaient la musique étaient d’ailleurs nombreux, environ plus de deux mille pour l’église Saint-Thomas. Ils suivaient la cantate à l’aide d’un livret imprimé qui regroupait le texte des cantates de plusieurs dimanches consécutifs. Il semble que Bach ait fait imprimer et vendre les textes à son propre compte pour arrondir son relativement maigre salaire.
Dès sa nomination, Bach eut l’intention de créer un répertoire de cantates de sa propre main. Il écrivit ainsi cinq cycles de cantates. Le premier cycle commence au premier dimanche après la Trinité (30 mai 1723), en plein milieu de l’année ecclésiastique, ainsi que le deuxième, premier dimanche après la Trinité mais de l’année suivante (11 juin 1724)
Chaque cantate de la Trinité à Pâques s’articule autour d’un cantique : le chœur d’entrée présente la première strophe, le choral final reprend la dernière ; les strophes intermédiaires sont des résumés plus ou moins libres dans les airs et les récitatifs.
Les trois cantates présentées ici appartiennent à ces 2 premiers cycles de cantates. Jesu, der du meine Seele BWV 78 fut écrite pour le 14ème dimanche après la Trinité (10 septembre 1724), tandis que O Ewigkeit, du Donnerwort BWV 60 et Ach, wie flüchtig, ach wie nichtig, BWV 26 ont toutes les deux été composées pour le 24ème dimanche après la Trinité (7 novembre 1723 et 19 novembre 1724).
Cantate BWV 47 « Wer sich selbst erhöhet » (Quiconque s’élève sera abaissé)
Chœur, 2. Aria, 3. Récitatif, 4. Aria, 5. Choral.
Cette cantate date de la troisième «année» de production à Leipzig, au cours de laquelle Bach fit entendre de nombreuses cantates de son cousin Johann Ludwig. Le musicien reprend la composition régulière de cantates hebdomadaires à l’automne, à compter du mois de septembre de cette année 1726. Il emprunte ici son livret à l’écrivain thuringien Johann Friedrich Helbig, secrétaire et poète de la cour de Saxe-Eisenach, et plus précisément au recueil de livrets de cantates pour toute l’année, Auffmunterung der Andacht (Réconfort de la dévotion), que celui-ci venait de publier en 1720.
Commentant le double enseignement de l’évangile de ce dimanche, la guérison d’un malade le jour du sabbat et la place choisie par les convives, le livret de Helbig exhorte à l’humilité enseignée par le Christ, en qui Dieu se fit homme dans la plus simple condition. L’humilité procède de Jésus-Christ, tandis que la vanité est semblable au démon. Elle est donc pour le chrétien une façon de se mettre à l’imitation de Jésus-Christ. Il convient par conséquent de prier Dieu pour qu’il aide le fidèle à maudire l’orgueil en cultivant la modestie et le dédain des vanités du monde terrestre.
Cette œuvre appartient au groupe de cantates requérant une partie d’orgue obligée, composées en cet automne 1726 et vraisemblablement destinées à mettre son fils le jeune Wilhelm Friedemann au clavier sous la direction de son père, pour poursuivre son apprentissage. La construction de l’œuvre est très simple, en une arche parfaitement symétrique : chœur – aria – récitatif aria – chœur (choral). Au récitatif central d’assumer l’essentiel de l’enseignement de la prédication, en lançant l’anathème sur l’orgueil qui corrompt la nature misérable Je l’homme.